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Beaux-Arts : Au Grand Palais, la magie de Chiharu Shiota dans un parcours qui déroule le fil de 20 ans de carrière (by Joséphine Bindé)

 

Poétiques et spectaculaires, les immenses nuées de fils enchevêtrés de Chiharu Shiota l’ont rendue célèbre dans le monde entier. Le Grand Palais présente la plus grande exposition jamais consacrée à cette artiste japonaise née en 1972. Un parcours de plus de 1 200 m² qui entremêle des œuvres monumentales et des pièces méconnues. Loin de rester à la surface (très instagrammable) de ses installations, l’exposition nous plonge dans les multiples ramifications de son univers.

“Uncertain Journey” 2021, vue de l’exposition “Chiharu Shiota. The Soul Trembles”, Grand Palais, Paris 2024

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De grandes barques en métal d’où jaillissent 280 kilomètres de fils de laine rouge, tendus et entremêlés comme d’inextricables toiles d’araignée. De fil en aiguille, ces dernières s’accrochent au mur et s’élèvent dans les airs pour tisser des arches et un plafond, englobant le visiteur dans un gigantesque cocon écarlate !

Intitulée Voyage incertain (2016–2024), cette installation est l’un des points d’orgue de l’exposition du Grand Palais, et l’une des créations emblématiques de Chiharu Shiota, qui ont fait sa renommée dans les années 2000. Formée à la peinture à l’université Kyoto Seika, cette native d’Osaka installée à Berlin s’est fait une spécialité de ces œuvres textiles aériennes qui emplissent tout l’espace, emmaillotant au passage des objets symboliques et oniriques comme des clés, des lits ou des barques.

Un piano calciné

Plus loin, l’artiste nous piège dans ses filets avec une autre œuvre hypnotique : En silence (2002–2024). Inspirée par un incendie dont elle fut témoin enfant, Chiharu Shiota envahit la pièce d’un réseau complexe de 200 kilomètres de « fils » en Alcantara (un cuir artificiel doux et velouté) d’un noir de suie. Telles des toiles d’araignée maléfiques, ces derniers emprisonnent un piano calciné et des rangs de chaises vides, vestiges d’une salle de récital abandonnée. À moins qu’ils n’incarnent justement l’âme réprimée de ces objets, le fantôme de la musique tentant de s’extraire (avec beauté) d’un silence imposé…

« In Silence », 2002, vue de l’exposition « Chiharu Shiota. The Soul Trembles », Grand Palais, Paris 2024

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Conçue au Mori Art Museum de Tokyo (Japon), cette exposition est ensuite passée par la Corée du Sud, Taiwan, l’Australie, l’Indonésie et la Chine avant d’arriver à Paris, où elle préfigure l’inauguration en 2025 de l’ensemble du Grand Palais restauré, qui dévoilera de nouvelles galeries autrefois fermées au public. Ce parcours, qui se distingue comme le plus grand jamais consacré à l’artiste, comporte notamment sept grandes installations.

10 jours de tissage pour une installation

Il faut dix longues journées pour tisser l’une de ces nuées de fil, refaites in situ pour chaque exposition. Pourtant, ces œuvres semblent jaillir instantanément sous nos yeux ! Immersives, expressives et vivantes, elles parlent un langage universel et immédiat. En elles, l’artiste a trouvé le moyen de « peindre en trois dimensions » et de déployer ses « sentiments » dans l’espace.

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« Tout mon travail est axé sur la connexion et l’émotion », dit-elle. Car ces fils expriment aussi bien la complexité des émotions humaines, que celle des rêves (entre évanescence et puissance) et des relations entre les êtres. Le tout sous une forme qui évoque les tissus du corps humain et ses réseaux de nerfs et de veines – des éléments fins et fragiles individuellement mais qui, noués entre eux, incarnent la force de la vie.

Parmi les autres merveilles de fil présentées, des barques composées de fil de fer et d’une pluie de fils blancs suspendus dans les airs flottent telles des plumes géantes dans la cage d’escalier menant à l’exposition. Au milieu du parcours, deux robes immaculées, prises dans une toile de fil noir comme des Belles au bois dormant, nous piègent par un dispositif illusionniste : un miroir dont on ne réalise pas tout de suite la présence, brouillant la limite entre reflet et réalité.

« Where Are We Going », 2017, vue de l’exposition « Chiharu Shiota. The Soul Trembles », Grand Palais, Paris 2024

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En guise de final, une nuée de valises anciennes, suspendues au plafond par de longues cordelettes rouges, et dont certaines se balancent, animées par des moteurs cachés, miment une ascension vers le ciel. Une vision que l’artiste nous laisse libre d’interpréter : l’œuvre peut tout aussi bien renvoyer au rêve du voyage qu’à l’exil ou à la mort, en évoquant une montée dans l’au-delà, ou les objets laissés par les déportés…

Une œuvre organique et poétique

L’intérêt du parcours est aussi de nous présenter des facettes méconnues de l’œuvre de Chiharu Shiota. On y découvre plusieurs petites sculptures poétiques en divers matériaux, dont un nuage de brindilles métalliques s’échappant de deux mains comme une offrande, et des formes organiques étranges évoquant des cellules, des virus ou des tumeurs. Une façon pour l’artiste d’exorciser son cancer, diagnostiqué en 2005…

“Accumulation – Searching for the Destination”, 2014, vue de l’exposition “Chiharu Shiot. The Soul Trembles”, Grand Palais, Paris 2024

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Dès les années 1990, la peau et le corps jouent un rôle fondamental dans son œuvre. Lors de performances, l’artiste se roule nue dans la boue ou se barbouille de laque rouge, apparaissant comme couverte de sang. En 2001, elle se fait remarquer à la triennale internationale d’art contemporain de Kanagawa avec des robes géantes trempées dans de la boue (Memory of skin) et suspendues, telles des peaux vides laissées après une mue.

Se déploient aussi une cinquantaine d’aquarelles et encres délicates, ainsi que de nombreuses photographies et vidéos. Ces dernières, assorties aussi d’une maquette, documentent aussi bien ses performances, que les opéras et pièces de théâtre pour lesquels elle a conçu des décors extraordinaires, dont plusieurs en fils enchevêtrés.

« Outside », 2009, vue de l’exposition « Chiharu Shiota. The Soul Trembles », Grand Palais, Paris 2024

Parmi les créations les plus inattendues figurent une installation évoquant le mur de Berlin, et des vidéos d’enfants répondant à des questions philosophiques sur la nature de l’âme. Loin de rester à la surface (très instagrammable) de ses célèbres œuvres de fil, l’exposition nous plonge dans les multiples ramifications de l’univers tissé par l’artiste. De quoi en démêler un peu (mais pas trop) le mystère…

Chiharu Shiota. The Soul Trembles

Du 11 décembre 2024 au 19 mars 2025

Prochaine étape de l’exposition au musée d’Art Oriental de Turin, d’octobre 2025 à l’été 2026.

Article published on https://www.beauxarts.com/

 
gabriela ancoChiharu Shiota